Obsession

Numéro 8 – Septembre 2015

L’Édito

Couverture de : Obsession

« Un joyeux bordel. »

Quoi de mieux qu’un appel à la population pour entamer le chemin vers la guérison ? Un air de maxime qui bourdonne dans la tête de chaque membre de la NRC. Pour la revue artistique de l’École, votre revue en somme, s’entame une période charnière. L’heure est venue d’initier un changement, un renouvellement, une renaissance. Profitons de l’élan général, brisons les traditions ! Progrès ! Rupture ! Est-il seulement possible de décrire la ferveur qui nous anime avec un seul mot ?

Mais ne s’agirait-il pas là que d’une vaine tentative de rester à flot dans l’esprit de gens qui peinent déjà à connaître les trois lettres qui composent notre étendard ? Comment guérir d’un prétendu mal qui n’est jamais rien que ce qui nous définit ? Il est dit que l’orchestre du Titanic ne s’arrêta jamais de jouer lors du naufrage. Coulons, mais coulons avec panache ! Un chant du cygne ! Une ode mélancolique aux aspirations perdues de quelques illuminés qui cherchèrent, l’espace d’un instant, la reconnaissance de leurs élans troublés !

Sauf qu’à trop pleurer ce que nous avions, nous finissons par perdre foi en ce que nous pourrions avoir. Cet étendard a, il est vrai, perdu de son sens. Mais n’est-ce pas une formidable occasion de repenser ce qui est pour en faire quelque chose qu’on regretterait presque de n’avoir pas été ? La NRC et son contenu sont la preuve même que les Centraliens sont capables de pensée fine, de créativité et d’initiative. Mais nombreux doivent être ceux dont les idées n’ont pas été révélées au monde parce que le standard affiché semblait trop éloigné, et parce qu’alors émettre une production « à la hauteur » demandait de trop sacrifier un temps dont nous manquons parfois déjà cruellement. Il faut ici être clair. La NRC est riche de ces contenus originaux, de ces fictions passionnantes, démonstration du véritable chemin de croix que peut être la création artistique. Mais nous voulons à l’avenir promouvoir l’acte d’écriture au sens le plus large qui soit : une ligne éditoriale qui encourage aussi celles et ceux qui souhaitent ancrer leur contribution dans l’ici et le maintenant.

Pour que cet étendard perde un sens, encore faudrait-il qu’il y en ait un jour eu ailleurs que dans l’esprit des quelques fantasques ayant donné de leur temps pour ces délires collectifs… Et ces quelques se compteraient presque sur les doigts d’une main ! L’ouverture, il faut le reconnaître, a du bon : on ne flatte pas un ego si l’on n’est lu que par ceux qui font vivre la revue. Mais tout le monde n’est-il pas déjà en mesure de contribuer ? Le problème n’est pas dans la revue, mais dans son lectorat. Léthargique, amorphe, bloqué dans l’idée d’une revue rétrograde et sophistiquée, il n’y voit qu’un recueil de nouvelles et autres poèmes. Non, ce n’est pas à la revue de s’ouvrir, mais à son lectorat d’en changer sa vision. À quand l’éclatante victoire d’une pensée neuve sur des débats de société ? À quand une critique éclairée d’une oeuvre, mineure ou majeure ? Les élans, n’en déplaise aux réfractaires des vers, peuvent être tout autres qu’artistiques. Plus qu’un défouloir intimiste pour écrivaillons et poètes en herbe, la NRC se devrait d’être le joyeux bordel de ceux que l’écriture ne rebute pas, quelle que soit la forme que prend leur pensée.

Et c’est donc à ce joyeux bordel qu’il faut inviter le tout-CentraleSupélec. Sonnons les trompettes, et faisons résonner les échos puissants d’un appel aux contributions plus large que jamais ! Explicitons les non-dits, éclaircissons les limites de la contribution, si infinies soient-elles, faisons table rase du mystère raisonné mais déraisonnable qui entoure cette revue et sa communication. Faisons exploser ses murs, et construisons, ensemble, la NRC de demain — une NRC qui rassemble les centraliens, une NRC qui ressemble aux centraliens.

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Nous en sommes donc là, et tout ça ne tient, finalement, qu’à vous qui lisez ces lignes. Si vous avez élu le titre de ce huitième numéro, si vous y avez contribué ou avez songé à le faire, si vous nous avez communiqué vos remarques plus que constructives et si nous nous démenons pour publier et distribuer cette revue, c’est bien parce que nous partageons une même obsession. À tous ceux qui se sentent l’âme d’un rédacteur, d’un critique, d’un chroniqueur ou d’un journaliste — rejoignez poètes, photographes, romanciers, peintres et graphistes ! Et que cet humble essai traverse les âges, car ceux qui ne peuvent se souvenir du passé sont, bien souvent, condamnés à le répéter.

Baptiste BARREAU
Florimond MANCA

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