L’Édito
« Chercher à comprendre le hasard, c’est déjà ne pas l’avoir compris »
J’aurais pu écrire tant et plus. D’une pédante plaidoirie portant sur la barbarie sans visage, hydre évanouie dans les tréfonds de nos sociétés enfantée par notre irresponsabilité collective, à un discours inspiré sur le mystère originel et la chance que nous avons d’être en vie et tels que nous sommes – c’est absolument fou quand on pense aux probabilités qu’une telle chose arrive, tout de même, ma bonne dame – tout en passant par quantité de monologues convenus débités sans conviction sur les aléas de nos existences, dans un émouvant parallèle au lancer de dés.
J’aurais même pu, si l’envie m’en avait prise, mélanger ces différents possibles, ou encore aligner ici et là des mots, dans un amas incohérent dont les plus téméraires d’entre vous auraient cherché à extraire un sens alors qu’il n’y en aurait eu en fait aucun. Dommage ? Pas vraiment, nous diront les chantres de l’art contemporain.
Mais j’ai choisi. Choisi de ne pas choisir. Au fond, faire ce choix, cela aurait été mettre fin au hasard… Et cela m’aurait gêné. Abattre comme ça, froidement, sous vos yeux ébahis, la thématique qui lie ce que vous vous apprêtiez à lire, il y aurait eu de quoi refermer cette revue. En choisissant de ne pas choisir, j’ai aussi choisi de vous ouvrir au champ de mes possibles, à l’instant où j’ai commencé à écrire ces lignes.
Car c’est cette protéiformité qui fonde le hasard. Si les possibles n’étaient qu’un, il n’y aurait aucune place pour lui. Et c’est cette protéiformité qui donne aussi à nos vies ses reliefs, faisant de nous les alpinistes métaphysiques en puissance que nous sommes. De là à dire que le hasard est le piment de nos existences, il n’y a qu’un pas logique que mon éducation scientifique rigoureuse et policée ne me permettrait pas de franchir.
Quant au hasard de cette revue, c’est à ce moment, si vous n’avez pas triché, qu’il est total. À cet instant précis, son contenu est un champ de possibles infini, un infini certes réduit à notre thématique hasardeuse, mais infini tout de même. C’est pourquoi je ne me suis pas permis de décrire ici ce que vous pourrez y trouver. Je vous décevrai sûrement, mais si vous cherchiez une réponse à ce qu’est le hasard dans la NRC, vous ne la trouverez pas. Ni ici, ni ailleurs non plus. Chercher à comprendre le hasard, c’est déjà ne pas l’avoir compris.
J’aimerais conclure, après vous avoir souhaité une bonne découverte des aventures du hasard de nos contributeurs, sur une question qui, personnellement, m’intrigue. Au fond, est-ce vraiment un hasard qu’un numéro si symbolique puisse lui être dédié ?
Baptiste BARREAU
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